Comment définir cette émotion à la fois simple et si riche ? Si elle est facilement observable au plus jeune âge, elle devient généralement plus subtile dans la vie d’un adulte. On pense ainsi facilement à un enfant (que l’on a peut-être été soi-même) pour qui tout constitue un prétexte à rire, jouer, aimer, profiter pleinement du moment présent et librement de toute pensée. Ou encore à cet adolescent à l’endurance remarquable, qui sort 4 soirs par semaine pour faire la fête avec ses amis jusqu’au petit matin sans préoccupation particulière… après tout ne parle t-on pas de « l’insouciance de la jeunesse » ?
La Joie prend par ailleurs diverses formes. Elle peut être aussi bien une réaction passagère, qu’un état d’esprit, un objectif de vie, voire même une obsession ! C’est donc bien son absence qui est redoutée et perçue comme un trouble (dépression, etc.), voire un échec (personnel et social) ! Et c’est bien ce qui la rend unique par rapport aux autres émotions à connotation moins positive. En effet, le but de notre existence n’est-il pas après tout la recherche du Graal ultime ? « Etre heureux », « s’épanouir », « se réaliser », … Quelle qu’en soit son interprétation personnelle, n’est-ce pas là la raison qui motive un individu à se lever tous les matins ?
Etat de Joie ou sensation de plaisir ?
Mais ce culte du bonheur une fois entretenu, peut se transformer en cercle vicieux. Si l’on considère aujourd’hui qu’il « faut » être heureux, alors la recherche active de cet état peut donner l’illusion que ce but sera forcément atteint par la mise en place de moyens et conditions jugés nécessaires ; l’illusion de contrôle prend le dessus. Chaque réflexion et calcul savant pour se procurer « le meilleur », chaque jugement pour se situer dans cette échelle de valeur artificielle constitue en fait un pas en arrière dans cette course effrénée. Au lieu d’épanouissement, l’être se retrouve soumis à cette dictature au point de « vivre dans sa tête » en permanence. Ce phénomène peut être facilement constaté aujourd’hui dans nos sociétés occidentales.
En Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC), la Joie est l’émotion de l’élément Feu, dont la saison est l’été, l’organe est le Cœur, le climat est la chaleur, et le sens est le toucher (l’ouverture est la langue).
Comme évoqué plus haut, un trouble au niveau de cette émotion sera typiquement observé en cas de manque. Ce manque sera la conséquence directe de soucis. Un esprit troublé par des préoccupations et pensées en tout genre est en effet incapable de profiter du moment présent et de ce que celui-ci a à lui offrir. Ainsi un enfant qui passe la journée de sa vie en jouant avec un chat est en effet peu sujet à des réflexions profondes… Celles-ci nous envahissent par la suite avec le temps, et il devient d’autant plus délicat de prendre soin de son enfant intérieur (le préserver) au fil de notre évolution dans l’âge « adulte ». Cet exercice pourtant vital est le sujet de toute méditation et autres exercices visant à atteindre la pleine conscience. Ceux-ci seront un excellent complément au travail du praticien dans le retour à l’équilibre.
Un excès de Joie sera cependant tout autant possible et problématique. On dit en médecine chinoise que le Cœur est le logis du Shen (l’Esprit = facultés cognitives), et que le sang est son vecteur. En excès, une Joie non contrôlée ou totalement débridée aura donc pour effet de faire sortir l’Esprit de son logis. On parle alors d’excitation, d’hystérie, de folie, démence… Le praticien prendra soin dans ce cas de calmer cette énergie en excès (le « feu du Cœur »).
Une personne affectée par des troubles du Cœur et/ou de l’Esprit pourra ainsi être sujette à un profond trouble émotionnel. Au niveau de la Joie, si le manque est plus fréquent qu’un excès, il ne faut pas négliger les conséquences d’un tel cas. Aucune énergie – aussi « positive » qu’elle puisse paraître – ne saurait être bonne en excès à long terme. En accord avec la philosophie de la MTC, l’équilibre est le maître mot pour une vie saine et épanouie. La Joie en est le meilleur exemple.